Psychologies.com 2007

La marche nordique, une gym vivifiante

Accessible à tous, elle se pratique en pleine nature avec deux bâtons. Mais rien à voir avec la randonnée pédestre. La marche nordique ? Une autre façon de mettre un pied devant l’autre, entre la gym et le jogging « bien-être ». Notre journaliste l’a testée.

Agnès Rogelet

Sommaire
  • Ma première sortie
  • Une joyeuse sensation de liberté
  • Les bâtons : utiles pour tout travailler
  • Pour s’y mettre

On les croise de plus en plus souvent dans les bois à proximité des villes, en forêt, en plaine ou sur les sentiers de montagne… Drôles de skieurs de fond privés de neige. Les adeptes de la marche nordique (de l’anglais nordic walking) avancent d’un pas véloce, baskets ou chaussures de randonnée à la place des skis.
Cette marche active, qui se pratique en se propulsant avec des bâtons, concurrence même le jogging dans les pays scandinaves. Issue de l’entraînement estival des compétiteurs de ski nordique, elle est née en Finlande en 1997.

« Rien à voir avec la randonnée. On n’utilise pas les mêmes bâtons et on ne fait pas de pause sandwich, précise Claude Delguel, président de la Fédération française de nordic walking (FFNW). C’est avant tout une discipline gymnique, sollicitant le système cardio-vasculaire, et toutes les chaînes musculaires et articulaires du corps. »
S’entraîner une fois par semaine suffit à améliorer sa forme, et ses formes. « En y allant progressivement, la marche nordique est à la fois complète pour la santé, assez douce et “sociabilisante” », observe Lykke Tamm-Dunand, le médecin de l’équipe de France de biathlon, d’origine suédoise. Il n’y a pas de contre-indications, mais des précautions à prendre cependant : « Effectuer un bilan cardio-vasculaire si l’on appartient à un groupe à risque. Ne pas insister si une douleur s’aggrave, au genou ou à la hanche, par exemple. »
Et, pour éviter de mauvaises positions engendrant torsions ou douleurs dorsales, assimiler la gestuelle de base avec un instructeur lors de séances collectives. « Lorsqu’ils se promènent en forêt, les gens se déplacent mais ne marchent pas. Or pratiquer un loisir dans la nature redonne le goût de l’effort. On s’y sent bien, en accord avec soi-même, et on parcourt dix kilomètres sans s’en rendre compte », fait remarquer Claude Delguel.

La marche nordique conduit également à rechercher l’esthétique du mouvement, inspiré de la gestuelle noble et fluide du skieur de fond. La posture se redresse. « On se sent valorisé, on retrouve l’esprit d’entreprise. A chaque poussée sur les bâtons, on a l’impression de rejeter ses problèmes derrière soi », poursuit-il.

Ma première sortie

Intriguée par tant de différences avec la randonnée, je rejoins une dizaine d’adeptes au bois de Vincennes, à Paris, pour un cours d’essai. Dix minutes d’échauffement, une heure de marche, puis dix minutes d’étirement. Tel est l’immuable menu d’une sortie de marche nordique. Dès les premiers mouvements pour préparer ses muscles à l’effort, la fraîcheur matinale du bois incite à respirer profondément. Pieds écartés, souple sur les genoux, on joue les haltérophiles avec ses bâtons réunis, en les hissant à bout de bras et en les ramenant au niveau de la poitrine. Dix fois. Après huit exercices d’échauffement, dont les indispensables jeux de jambes – fentes et pliés de genou –, la sensation d’avoir réveillé son corps de la tête aux pieds est bien réelle.

Les poignées-mitaines bien fermées par les bandes en Velcro, on laisse traîner ses bâtons derrière soi en avançant, mains ouvertes. Un court prélude pour trouver sa cadence. Instinctivement, j’alterne bien bras droit-jambe gauche et bras gauche-jambe droite. Mais mes réflexes de randonneuse me jouent des tours. « Ne promenez pas vos bâtons ! » corrige le professeur. Comprenez : gardez-les toujours en diagonale, vers l’arrière. Ils ne précèdent jamais le corps. « Marchez les bras droits, comme un soldat. Propulsez-vous en appuyant la main ouverte dans le gant et en effectuant une petite rotation de l’épaule opposée vers l’avant. » L’accessoire indiscipliné se plante alors judicieusement à hauteur du talon. C’est évident : le haut aide le bas du corps à se mouvoir, ce qui accroît la sensation d’aller de l’avant.

Une joyeuse sensation de liberté

L’esprit se concentre sur le déroulé du pied, le balancier des bras… ou s’échappe le temps d’une conversation (encouragée, car elle accroît le travail respiratoire). Autre source de distraction : les aspérités du sol. L’un des bâtons glisse sur la racine d’un arbre et me voilà désynchronisée. Pareil face à une flaque d’eau ou en traversant une route goudronnée. Avant de ponctuer cette heure de marche dynamique par dix minutes de stretching avec bâton, Claude nous aura invités à allonger et à diminuer le pas, à accélérer et à décélérer, à gravir une pente à petits pas et à la descendre presque assis en dérapage contrôlé, à franchir un ruisseau au pas ou en course.

Plus étonnants, le « mambo », avec ses déhanchements accentués, et le « pas glissé », avec lequel on « s’envole » en poussant sur les bâtons et en sautillant, comme lorsque l’on était enfant, procurent une joyeuse sensation de liberté. Fin de séance : me voilà défoulée, la tête vidée et le corps réunifié. Une vraie gym itinérante !

Les bâtons : utiles pour tout travailler

Ce sont eux qui permettent à la marche nordique d’être aussi complète et bénéfique.

- L’équilibre : grâce aux bâtons, on peut effectuer de nombreux gestes déstabilisants avec une impression de sécurité. Par exemple : au repos, s’incliner excessivement vers l’arrière ou vers l’avant en prenant appui sur eux.
- Le cœur : la cage thoracique s’ouvre davantage, d’où une oxygénation maximale. Par ailleurs, grâce à un meilleur équilibre, on allonge sa foulée et on augmente sa vitesse. Cet effort d’endurance équivaut à un petit jogging et accroît les capacités cardio-vasculaires.
- Les muscles : tandis que la randonnée ou la course font surtout travailler le bas du corps, l’utilisation des bâtons permet de travailler aussi le haut. Ajouté à la musculation des fessiers et des jambes, on engage 90 % de notre musculature. On se resculpte et on dépense quatre cents calories par heure, contre deux cent quatre-vingt
en marche traditionnelle.
- Les articulations : le transfert de poids sur les bâtons réduit d’environ 30 % les pressions sur les hanches, les genoux et les chevilles. Et le planter au sol assure des vibrations non traumatisantes, contribuant à fortifier les os et à prévenir l’ostéoporose.
- La posture : pousser sur les bâtons procure immédiatement une sensation d’allongement et d’agrandissement du corps.
- La coordination : on s’entraîne à avancer bras et jambes en opposition.

Pour s’y mettre

A lire :

- Marcher pour son bien-être de Cyrus Rostami et Klaus Bös (Amphora, 2006). Un court chapitre sur la marche avec bâtons, mais les indications pour s’entraîner au nordic walking (nutrition, technique…) restent utiles.
- Les Cartes de la marche par Shirley Archer (Guy Trédaniel éditeur, 2007). Cinquante fiches déclinant des conseils gestuels et différentes façons de marcher : en ville, dans l’eau, avec son chien, en prenant conscience de sa respiration….

S’équiper
- Des bâtons : excluez les bâtons télescopiques ou en aluminium, a fortiori ceux utilisés pour le ski, qui n’amortissent plus sur un sol plus dur et créent des chocs sur les articulations. Les meilleurs, appelés sticks, sont en fibres de carbone et de verre (ou autres matériaux composites), légers, souples et résistants, avec des embouts anti-enfoncement et des « poignées-gants » en liège ou en plastique. Pour choisir leur hauteur : votre taille en centimètres multipliée par 0,66.
- Des chaussures de jogging ou outdoor : antidérapantes, « respirantes » (évacuant la transpiration) et imperméables, mais surtout avec un bon amorti et à tige basse afin de libérer la cheville. Dans tous les magasins de sport.
- Des vêtements respirants pour être à l’aise.

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